Elections serbes : surprise heureuse, mais conséquences indécises
Ainsi donc, les pro-Européens ont remportés les élections législatives serbes.
C'est ce que dit Reuters, mais aussi l'AFP.
On trouve un premier détail des résultats dans l'excellent "courrier des Balkans", animé par Jean-Arnaud Derens.
Ainsi, "La Coalition pour une Serbie européenne du Président Boris Tadić a remporté une victoire sans appel aux élections parlementaires de dimanche, avec 39% des suffrages, très loin devant le Parti radical serbe (SRS), qui n’obtient que 28, 5%, et la coalition DSS-NS de Vojislav Koštunica (11,2%). Le Parti socialiste de Serbie (SPS) crée la surprise avec 8% des suffrages, le Parti libéral démocratique obtenant 5,2%. Les minorités obtiennent 6 à 7 sièges au Parlement".
Joie des partisans de Tadic à la proclamationd es résultats.
Quelles leçons tirer à chaud de ce résultat ?
- Tout d'abord, que cela constitue une heureuse surprise : les sondages prévoyaient l'égalité, au mieux un succès symbolique de Tadic, pas une avance aussi nette. J'avoue avoir été surpris hier soir lorsque les premières estimations sont tombées.
- Qu'il semble que ces élections aient été perçues par l'électeur serbe comme un référendum pro-européen : et que de ce point de vue, le forcing de ces dernières semaines de l'UE en faveur de la Serbie a joué à plein (accord d'association, mesures favorisant les visas). Bien joué.
- Qu'être pour l'Europe ne signifie pas que ce soit à n'importe quel prix. La Serbie pose un vrai débat de valeurs (car il faut comprendre aussi son attachement au Kossovo). Or, l'Europe a été, parfois, négligente avec certaines de ses valeurs (on y reviendra).
- Que la Serbie est une démocratie, puisque les élections y ont un rôle dans la désignation du pouvoir politique. Qu'on se rappelle : c'est par les urnes que Milosevic a été renvoyé .... De plus, si on observe dans la durée, les chefs de gouvernement qui se succèdent en Serbie s'appellent : Milosevic - Kostunica - Tadic : on va dans le sens d'un adoucissement des positions politiques, non ?
- Que cette démocratie envoie a son parlement des minorités (6 à 7 sièges, et les Vlachs participaient pour la première fois aux élections en tant que tels : La Coalition des Hongrois de Voïvodine et la « Liste bosniaque pour un Sandžak européen » sont assurés d’obtenir des élus. La partie risque d’être plus difficile pour la Coalition des Albanais de la Vallée de Preševo, car beaucoup d’électeurs albanais devraient boycotter le scrutin parlementaire. Trois listes représentent la communauté rrom et, pour la première fois, ont été déposés des listes représentant les Gorani, les Vlachs, les Bunjevci et les Monténégrins.).
- Que le Kossovo demeure une pierre de touche de la politique serbe. Immédiatement, M. Tadic a annoncé qu'il ne reconnaitrait pas le Kossovo indépendant. Car Tadic a réussi son élection en proposant deux priorités politiques : 1/ L'intégration à l'UE ; 2/ "la sauvegarde de la souveraineté serbe sur le Kossovo". Ne retenir que le premier point, comme on risque de le faire en France, serait donc une erreur d'analyse. Tadic n'a gagné que parce qu'il propose les deux.
- Enfin, cette victoire ne l'assure pas de former le gouvernement. En effet, son allié naturel, le parti libéral, n'obtient que 5,2 % des voix, alors qu'on estimait qu'il en aurait 7 à 8. Tadic a donc siphoné en partie son allié. Et à eux deux, ils n'obtiennent que 44 % des voix. On ne sait comment cela va se traduire au parlement... Il va falloir aller chercher des alliés ailleurs. Deux options : les minorités (6 à 7 sièges), et le DSS-NS de Kostunica (11 % des voix).
- Or, les souverainistes Serbes (pour les appeler ainsi) additionnent : 28,5% du SRS de Nokolic, 8% du SPS (ex soutien de Milosevic) et éventuellement 11% de Kostunica. Si cette allaince se formait, elle approcherait les 48% des voix. Elle paraît donc tout aussi légitime.
- Tout ceci dépend donc des résultats en sièges, que nous aurons les prochains jours. Mais à première vue, Kostunica se retrouve au centre du jeu politique. Que va-t-il choisir ? On comprend que les premiers comemntaires annoncent qu'il faudra trois mois pour former le gouvernement.
- La conclusion, c'est que l'instabilité demeure d'une certaine façon en Serbie, que la question du Kossovo est loin d'être résolue (voir mon billet du 17 avril), et qu'il ne faut pas crier victoire trop tôt. Ce qui est normal, dans les Balkans....
Olivier Kempf