Frontière kosovo-serbe

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A regarder les cartes dans un atlas historique, on apprend que c'est visiblement Tito qui, au sortir de la guerre, a tracé la frontière entre le Kossovo et la Serbie. Cela explique qu'elle passe au nord de Mitroviça, alors que les limites traditionnelles faisaient passer cette "limite" plus au sud. (on lira avec intérêt la page de l'université de Québec [thème : l'aménagement linguistique dans le monde]sacrée au Kossovo : http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/europe/kosovo.htm).

Je mentionne le point car nous avons tous l'impression que cette frontière est fixée depuis toute éternité. C'est d'une part mal connaître les habitudes ottomanes, d'autre part méconnaître les nombreux découpages qui ont eu lieu fin XIX° début XX° au cours des guerres balkaniques.

Et nous (Occidentaux, communauté internationale, etc.) sommes d'une certaine façon très conservateurs. Car nous respections absolument un dogme qui nous paraît source de paix, celui de l'intangibilité des frontières. Donc, toute frontière "donnée" doit être préservée. On ne trace plus frontière, aujourd'hui. Du moins apparemment.

Donc, la frontière entre le Kosovo et la Serbie n'a jamais été une frontière internationale, tout au plus une limite administrative fixée récemment par Tito, et juridicisée par sa constitution de 1974. Rappelons que Tito était croate et qu'il se méfiait beaucoup du nationalisme serbe.

Il faut ici évoquer l'excellent Michel Foucher, auteur il y a vingt ans de "Fronts et frontières" (un livre fondateur de géopolitique, vous DEVEZ le lire) et plus récemment de "L'obsession des frontières", chez Perrin, dont je rendrai compte quand je l'aurai terminé.

M. Foucher évoque, sans s'apesantir, sur les obsessions occidentales qui ont tant pesé sur la crise kossovienne. Elles sont au nombre de deux :
- l'obsession des frontières, donc, de peur d'entrer dans ce qu'on considère comme une mécanique infernale et crisogène ;
- l'obsession de la multiethnicité, qui découle un peu de la précédente. Car si jamais on déplaçait les frontières, cela ouvrirait la porte à des revendications similaires dans les pays voisins, et donc à une déflagration sans nom.

Ces obsessions peuvent être légitimes, là n'est pas l'objet de ce billet : il s'agit simplement de prendre conscience de présupposés communs, d'autant plus influents et actifs qu'ils ne sont pas énoncés en tant que tel. Or, notre action commune dans le réglement de la crise milite pour cette prise de conscience.

Donc, pour reprendre M. Foucher (p. 74), "une partition de fait existe sur le terrain. Mais elle est complexe dès lors que 60 % de la population serbe ne vit pas dans la partie nord mais dans les enclaves situées au sud et à l'est de la province. Un ajustement des limites du Kossovo éviterait peut-être de créer un nouveau problème de minorités (...) mais il risque de se terminer par des transferts de population : puisqu'on refuse, faute de négociation sur ce point, à ajuster les tracés aux réalités humaines et politiques de terrain, ce sont celles-ci qui seront modifiées et adaptées aux nouvelles frontières qu'elles récusent".

En clair, l'alternative est la suivante : soit redessiner la frontière, soit organiser des transferts de population, soit les deux.
Et donc, aller à l'encontre de l'idéal de multiethnicité, puisqu'il s'agit d'homogénéisation ethnique, du type de celle pratiquée après la 1ère guerre mondiale (entre Grecs et Turcs) ou la 2ème (retour de tous les Allemands de l'est de l'Europe).

Olivier Kempf

Publié dans Confins balkaniques

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