Doha-OMC : un échec prévisible ?
OMC et ronde de Doha : c'était compromis dès le départ. Et donc, les négociateurs n'ont pas conclu (voir ici).
C'était prévisible. Est-ce pour autant définitif ?
Cette question me paraît surpenante, même à moi.
En effet, j'avais tendance à croire à l'affaiblissement de l'idéologie de la mondialisation.
1/ En clair, la théorie économique libérale était en vogue la dernière décennie. Car ayant vaincu la théorie concurrente, elle même "économique", le marxisme.
Donc, cette nouvelle théorie expliquait le monde :
- tout d'abord, sur des fondements économiques : Thèse de Ricardo sur le commerce international, qui le présente comme une "bonne chose", puisque favorisant la spécialisation selon l'avantage comparatif. Ricardo, et le néo-ricardisme, sont au commerce international et à la mondialisation ce qu'est Smith aux néo-libéraux : une bible.
Dès lors, la mondialisation est "bonne" puisqu'elle permet de s'enrichir. Et donc, vive la dérégulation, l'OMC, le FMI.
- dans le même temps, cette victoire dans le domaine de la pensée économique ouvrait la voie au triomphe de la pensée phisolosophique des affaires internationales : c'est la doctrine de la "fin de l'histoire", beau programme énoncé par Fukuyama. Il s'agissait de philosophie (la fin en question fait référence à Hegel), il s'agit surtout d'idéologie.
2/ Et puis, un double phénomène a vu le jour simultanément :
- tout d'abord, le triomphe apparent de cette mondialisation, qui amène des pays "émergents" (il faudra que je revienne un jour sur ce mot) à effectivement s'enrichir grâce à leur avantage comparatif : Ricardo n'a pas si tort. C'est d'ailleurs à partir de ce moment que s'amenuise l'anti-libéralisme, qui avait mené des violents combats lors des sommets de Seattle et de Gênes, souvenez-vous. Qui entend aujourd'hui les alter-mondialistes, maintenant que chacun constate que les pays du tiers-monde s'enrichissent....? Personne, on ne les entend plus !
- et du coup, le retour en grâce d'un certain protectionnisme (on redécouvre Friedrich List, qu'on n'apprenait autrefois que pour dire qu'un gars, une fois, avait essayé de jsutifier 'classiquement' cette horrible chose qu'est le protectionnisme : citer List permettait de prouver sa neutralité intellectuelle, mais personne ne le lisait. Il fallait déréguler) . Donc, vive le protectionnisme libéral, notamment chez les anciens pays riches et capitalistes, qui voient se modifier en leur défaveur les "termes de l'échange". Surtout, ils constatent que la dérégulation leur permettait d'assurer des revenus induits, et que la nouvelle configuration réduit fortement ces avantages.
Dans le même temps, on constate un certain protectionnisme de la part des pays émergents, qui fondent une partie de leur décollage sur certaines barrières.
3/ Ceci explique la prévisibilité de l'échec des négociations de Doha, que tout le monde a constaté. L'échec de Doha s'interprète alors comme l'alliance :
- du protectionnisme libéral des pays riches qui veulent protéger ce qui leur reste de richesse
- du protectionnisme des pays émergents qui veulent protéger leurs barrièes à l'entrée.
4/ On peut bien sûr y voir une rétracation de la mondialisation, un repli sur soi, une nouvelle frilosité qui expliqueraient de nombreux raidissements (voir ici), et prouveraient
a contrario la justesse de la théorie Fukuyamesque (l'échec du modèle libéral, économique mais aussi politique, provoquant le retour des égoïsmes, donc de la guerre).
Et bien sûr, j'ai cette approche à l'esprit, et je continue de la considérer comme globalement juste.
5/ Toutefois, je veux immédiatement y apporter une nuance. Car rien ne dit que ce repli soit définitif et pérenne (tout comme rien ne disait, il y a quinze ans, que Robert Reich avait raison en expliquant la mondialisation). Rien ne dit que la mondialisation ne soit pas un phénomène durable, et même permanent, qui soit le signe d'une unification du monde.
Alors, les rétractions actuelles ne seraient que des phénomènes d'adaptation, des réactions d'épiderme conduisant à un ajustement, quitte d'ailleurs à ce que cet ajustement produise localement des tensions si aigues qu'elles se résolvent par des conflits violents. Toutefois, cela resterait circonscrit localement, et ne toucherait pas le mouvement de longue durée. Ce qui suggérerait que la reprise des négociations de Doha pourrait un jour aboutir.
6/ Le lecteur attentif de ce blog trouvera, forcément, quelque contradiction entre ce billet et celui que j'écrivai pour rendre compte du bouquin de Cohen-Tanugi.
Je me moquai de sa tendance à considérer que la mondialisation était l'alpha et l'omega du XXI° siècle. Je dois préciser ici que je crtiquai le primat donné à l'économie dans l'analyse de cette mondialisation.
Or, je précise ici que la mondialisation me paraît être un fait qui a certes des fondements économiques, mais aussi culturels, politiques et pour tout dire, civilisationnels. Un géopolitologue a, d'abord, une approche politique même s'il considère aussi les facteurs économiques (dans ce dernier cas, il n'oublie pas de discerner les motifs idéologiques des théories économiques, qui correspondent naturellement à des "représentations", terme avec lequel le géopolitologue est très familier).
Une mondialisation : mais sans pour autant considérer que la terre soit "plate" (Th. Fridemann) : unification ne signifie pas uniformité !
Olivier Kempf
C'était prévisible. Est-ce pour autant définitif ?
Cette question me paraît surpenante, même à moi.
En effet, j'avais tendance à croire à l'affaiblissement de l'idéologie de la mondialisation.
1/ En clair, la théorie économique libérale était en vogue la dernière décennie. Car ayant vaincu la théorie concurrente, elle même "économique", le marxisme.
Donc, cette nouvelle théorie expliquait le monde :
- tout d'abord, sur des fondements économiques : Thèse de Ricardo sur le commerce international, qui le présente comme une "bonne chose", puisque favorisant la spécialisation selon l'avantage comparatif. Ricardo, et le néo-ricardisme, sont au commerce international et à la mondialisation ce qu'est Smith aux néo-libéraux : une bible.
Dès lors, la mondialisation est "bonne" puisqu'elle permet de s'enrichir. Et donc, vive la dérégulation, l'OMC, le FMI.
- dans le même temps, cette victoire dans le domaine de la pensée économique ouvrait la voie au triomphe de la pensée phisolosophique des affaires internationales : c'est la doctrine de la "fin de l'histoire", beau programme énoncé par Fukuyama. Il s'agissait de philosophie (la fin en question fait référence à Hegel), il s'agit surtout d'idéologie.
2/ Et puis, un double phénomène a vu le jour simultanément :
- tout d'abord, le triomphe apparent de cette mondialisation, qui amène des pays "émergents" (il faudra que je revienne un jour sur ce mot) à effectivement s'enrichir grâce à leur avantage comparatif : Ricardo n'a pas si tort. C'est d'ailleurs à partir de ce moment que s'amenuise l'anti-libéralisme, qui avait mené des violents combats lors des sommets de Seattle et de Gênes, souvenez-vous. Qui entend aujourd'hui les alter-mondialistes, maintenant que chacun constate que les pays du tiers-monde s'enrichissent....? Personne, on ne les entend plus !
- et du coup, le retour en grâce d'un certain protectionnisme (on redécouvre Friedrich List, qu'on n'apprenait autrefois que pour dire qu'un gars, une fois, avait essayé de jsutifier 'classiquement' cette horrible chose qu'est le protectionnisme : citer List permettait de prouver sa neutralité intellectuelle, mais personne ne le lisait. Il fallait déréguler) . Donc, vive le protectionnisme libéral, notamment chez les anciens pays riches et capitalistes, qui voient se modifier en leur défaveur les "termes de l'échange". Surtout, ils constatent que la dérégulation leur permettait d'assurer des revenus induits, et que la nouvelle configuration réduit fortement ces avantages.
Dans le même temps, on constate un certain protectionnisme de la part des pays émergents, qui fondent une partie de leur décollage sur certaines barrières.
3/ Ceci explique la prévisibilité de l'échec des négociations de Doha, que tout le monde a constaté. L'échec de Doha s'interprète alors comme l'alliance :
- du protectionnisme libéral des pays riches qui veulent protéger ce qui leur reste de richesse
- du protectionnisme des pays émergents qui veulent protéger leurs barrièes à l'entrée.
4/ On peut bien sûr y voir une rétracation de la mondialisation, un repli sur soi, une nouvelle frilosité qui expliqueraient de nombreux raidissements (voir ici), et prouveraient
a contrario la justesse de la théorie Fukuyamesque (l'échec du modèle libéral, économique mais aussi politique, provoquant le retour des égoïsmes, donc de la guerre).
Et bien sûr, j'ai cette approche à l'esprit, et je continue de la considérer comme globalement juste.
5/ Toutefois, je veux immédiatement y apporter une nuance. Car rien ne dit que ce repli soit définitif et pérenne (tout comme rien ne disait, il y a quinze ans, que Robert Reich avait raison en expliquant la mondialisation). Rien ne dit que la mondialisation ne soit pas un phénomène durable, et même permanent, qui soit le signe d'une unification du monde.
Alors, les rétractions actuelles ne seraient que des phénomènes d'adaptation, des réactions d'épiderme conduisant à un ajustement, quitte d'ailleurs à ce que cet ajustement produise localement des tensions si aigues qu'elles se résolvent par des conflits violents. Toutefois, cela resterait circonscrit localement, et ne toucherait pas le mouvement de longue durée. Ce qui suggérerait que la reprise des négociations de Doha pourrait un jour aboutir.
6/ Le lecteur attentif de ce blog trouvera, forcément, quelque contradiction entre ce billet et celui que j'écrivai pour rendre compte du bouquin de Cohen-Tanugi.
Je me moquai de sa tendance à considérer que la mondialisation était l'alpha et l'omega du XXI° siècle. Je dois préciser ici que je crtiquai le primat donné à l'économie dans l'analyse de cette mondialisation.
Or, je précise ici que la mondialisation me paraît être un fait qui a certes des fondements économiques, mais aussi culturels, politiques et pour tout dire, civilisationnels. Un géopolitologue a, d'abord, une approche politique même s'il considère aussi les facteurs économiques (dans ce dernier cas, il n'oublie pas de discerner les motifs idéologiques des théories économiques, qui correspondent naturellement à des "représentations", terme avec lequel le géopolitologue est très familier).
Une mondialisation : mais sans pour autant considérer que la terre soit "plate" (Th. Fridemann) : unification ne signifie pas uniformité !
Olivier Kempf