Bazeilles, Bigeard et petit-déj colo
Je viens d'assister à une cérémonie de Bazeille, dans un cimetière militaire, perdu au milieu de l'Afrique, avec trois pipers sonnant un "aux morts " irlandais.....
Bazeilles se fête en Afrique, pas vrai ? Bon, c’est une localité ardennaise où il y a des sangliers et des poètes : j’imagine que c’est la raison de son choix comme fête de la coloniale. Et des poètes et des sangliers, on en trouve peu en Afrique. Des griots, oui. Mais pas des poètes.
Donc la coloniale, qui est une arme sanglière et poétesse, a choisi Bazeilles, charmante localité proche de Sedan, où une maison de la dernière cartouche paraît prémonitoire des stocks en vigueur de nos jours. Bazeilles et non l’Afrique, même s’il est violemment tradi de fêter Bazeilles en Afrique, et qu’on n’est pas colo si on n’a pas connu ça.
Bazeilles, fête des colos. Calots et tirailleurs à l’hameçon de rigueur.
Bazeilles, l’autre monument tradi de la coloniale, avec le petit déjeuner colo.
Et je vais donc vous conter une anecdote qui nous éloignera de la géopolitique, mais n’est-ce pas fête aujourd’hui ? Ainsi donc, les hasards de la vie m’ont amené à devoir rencontrer très régulièrement le général Bigeard, à Toul, un des trois évêchés. Bigeard, il n’y a pas plus colo (il n’y a pas plus para non plus).
Ainsi, l’heure du premier rendez-vous approchait. Bien évidemment, il me fallait préparer la rencontre avec cette semi-divinité, ce nouvel Ulysse, ce demi-dieu qui encombrait les rêves de tant de mythos et qui, pourtant, était un être de chair en face de qui il fallait que je m’assoye. Et comme toujours quand on s’approche de l’Olympe et qu’on est amené à fréquenter des divinités, comme celles-ci sont distantes et donc dangereuses et que leur contact n’est pas sans risque, je retrouvai les antiques réflexes de l’offrande et du cadeau donné en gage, comme représentation du sacrifice symbolisé et fait par procuration.
Il était colo, le rendez-vous était fixé au matin : j’apportai donc deux plateaux remplis de saucisson, d’oignons et de sardines, auxquels j’avais joint deux bouteille d’un bon vin rouge. Bref, tout ce qu’il fallait pour un « petit déj’ colo », celui qu’on prend à 8 h du matin.
Je monte à son étage, on m’introduit dans son bureau et il me donne un accueil charmant (car les dieux peuvent être charmants, dans leur intimité) ; la conversation commence par des présentations et je lance une première allusion au petit déj’ colo que j’ai apporté avec moi. Aucune réaction. S
a femme Gabi entre alors avec un seau à Champagne et des biscuits de Reims, et mon général de me dire que je lui suis sympathique, tout ça tout ça, et qu’on va trinquer.
Je suis interloqué. Je lui dis que j’ai justement apporté un « petit déj’ colo », que je me suis dit que ça l’amuserait, que ça devait faire longtemps et autres fadaises.
C’est à son tour d’être interloqué. Il ne voit pas de quoi je parle. « Ben ! du petit déj’ colo, mon général », et j’explique la chose, ajoutant que je croyais que la tradition datait depuis très longtemps et qu’il la connaissait. Et lui de me répondre que ça n’existait pas de son temps, et qu’en Indo et en Algérie ils avaient des rations mais ni kil de rouge ni sardines.
On a bien rit. On a bu du champagne.
Le « petit déj’ colo » est donc une invention récente. Et les colos, encore une fois, ont bourré le mou de toute l’armée française qui croit dur comme fer que ce truc date de l’armée d’Afrique et de 1860.
Trop forts. Trop colos.
Et par Dieu, vive la coloniale.
Olivier Kempf
Bazeilles se fête en Afrique, pas vrai ? Bon, c’est une localité ardennaise où il y a des sangliers et des poètes : j’imagine que c’est la raison de son choix comme fête de la coloniale. Et des poètes et des sangliers, on en trouve peu en Afrique. Des griots, oui. Mais pas des poètes.
Donc la coloniale, qui est une arme sanglière et poétesse, a choisi Bazeilles, charmante localité proche de Sedan, où une maison de la dernière cartouche paraît prémonitoire des stocks en vigueur de nos jours. Bazeilles et non l’Afrique, même s’il est violemment tradi de fêter Bazeilles en Afrique, et qu’on n’est pas colo si on n’a pas connu ça.
Bazeilles, fête des colos. Calots et tirailleurs à l’hameçon de rigueur.
Bazeilles, l’autre monument tradi de la coloniale, avec le petit déjeuner colo.
Et je vais donc vous conter une anecdote qui nous éloignera de la géopolitique, mais n’est-ce pas fête aujourd’hui ? Ainsi donc, les hasards de la vie m’ont amené à devoir rencontrer très régulièrement le général Bigeard, à Toul, un des trois évêchés. Bigeard, il n’y a pas plus colo (il n’y a pas plus para non plus).
Ainsi, l’heure du premier rendez-vous approchait. Bien évidemment, il me fallait préparer la rencontre avec cette semi-divinité, ce nouvel Ulysse, ce demi-dieu qui encombrait les rêves de tant de mythos et qui, pourtant, était un être de chair en face de qui il fallait que je m’assoye. Et comme toujours quand on s’approche de l’Olympe et qu’on est amené à fréquenter des divinités, comme celles-ci sont distantes et donc dangereuses et que leur contact n’est pas sans risque, je retrouvai les antiques réflexes de l’offrande et du cadeau donné en gage, comme représentation du sacrifice symbolisé et fait par procuration.
Il était colo, le rendez-vous était fixé au matin : j’apportai donc deux plateaux remplis de saucisson, d’oignons et de sardines, auxquels j’avais joint deux bouteille d’un bon vin rouge. Bref, tout ce qu’il fallait pour un « petit déj’ colo », celui qu’on prend à 8 h du matin.
Je monte à son étage, on m’introduit dans son bureau et il me donne un accueil charmant (car les dieux peuvent être charmants, dans leur intimité) ; la conversation commence par des présentations et je lance une première allusion au petit déj’ colo que j’ai apporté avec moi. Aucune réaction. S
a femme Gabi entre alors avec un seau à Champagne et des biscuits de Reims, et mon général de me dire que je lui suis sympathique, tout ça tout ça, et qu’on va trinquer.
Je suis interloqué. Je lui dis que j’ai justement apporté un « petit déj’ colo », que je me suis dit que ça l’amuserait, que ça devait faire longtemps et autres fadaises.
C’est à son tour d’être interloqué. Il ne voit pas de quoi je parle. « Ben ! du petit déj’ colo, mon général », et j’explique la chose, ajoutant que je croyais que la tradition datait depuis très longtemps et qu’il la connaissait. Et lui de me répondre que ça n’existait pas de son temps, et qu’en Indo et en Algérie ils avaient des rations mais ni kil de rouge ni sardines.
On a bien rit. On a bu du champagne.
Le « petit déj’ colo » est donc une invention récente. Et les colos, encore une fois, ont bourré le mou de toute l’armée française qui croit dur comme fer que ce truc date de l’armée d’Afrique et de 1860.
Trop forts. Trop colos.
Et par Dieu, vive la coloniale.
Olivier Kempf