Il faut revoir le Livre Blanc
Jean Picq nous donne une excellent article dans La Croix du 11 septembre 2008 (à consulter en bibliothèque). De mémoire, c’est l’ancien président du SGDN, qui a donc la connaissance des débats de défense pour donner un avis pertinent.
Que dit-il ?
Que le LB, « loin d’ouvrir la discussion, la ferme ». « Il fixe un axe de pensée unique sur un mode prescription ». Certes, il remarque l’objection que « le chef des armées est dans son rôle quand il fixe la ligne politique ». « Mais il y a désormais tant de prémices de bouleversements stratégiques à venir » que cela « appelle un débat politique entre décideurs d’hier et d’aujourd’hui ».
Quatre points doivent être relevés :
1/ Le concept de sécurité national : « il y a risque de confusion à vouloir aller au-delà de la coordination des efforts relevant de deux ministère ». Car « Il y a dans le recours à cet englobant une manière de réduction inspirée par l’hypothèse centrale du document, celle ‘d’une attaque terroriste majeure sur le territoire européen utilisant des moyens de type nucléaire, chimique ou biologique couplée à une situation de guerre dans l’une des zones d’intérêt stratégique de l’Europe ».
2/ Or, « Nous ne pouvons pas bâtir notre système de défense sur la seule idée d’un nouveau 11 septembre 2001 couplé à une nouvelle guerre au Proche-Orient ».
3/ Troisième interrogation : « la fixité durablement choisie pour le modèle d’armée retenu ». « Il est regrettable qu’on ferme toute perspective d’accroître [notre effort] si la nature des menaces devait le justifier ».
4/ le LB « continue de tenir sur l’Otan un discours sur la compatibilité des politiques qui n’a jamais convaincu nos partenaires ». « A supposer que ce pari soit le bon, ce qui n’est pas démontré, pourquoi alors continuer à entretenir l’illusion d’une défense européenne en en créant de surcroît une nouvelle, celle de l’européanisation de l’Otan ? ».
Et de conclure : « il faut souhaiter que l’excellente idée de l’actualisation régulière du livre blanc devant le parlement soit mise en œuvre ».
Cet article confirme que ce Livre Blanc est paru deux mois trop tôt. Et qu’aussi valide qu’ait été l’exercice (il est trop facile, en effet, de critiquer tel ou tel aspect d’un document qui se voulait globalisant et équilibré et qui y parvenait, une fois ses postulats posés), il est désormais urgent de s’atteler à la tâche de sa réécriture. Et de profiter du débat actuel, bien plus vigoureux que l’an dernier, pour qu’enfin ce Livre Blanc de la Défense soit celui de la nation.
Parce qu’une chose a changé depuis le printemps : la France sait désormais que la guerre rode, de l’Afghanistan au Caucase, et qu’elle n’est plus si éloignée qu’on se complaisait à le croire.
Il n’y a pas de frontière morte.
Olivier Kempf