Il continue de se passer des choses étonnantes en Syrie

Publié le

Il continue de se passer des choses étonnantes en Syrie. Ne s’attarder qu’au récent bombardement américain d’un village syrien, à partir de l’Irak,(voir ici) risque de ne pas permettre de tout comprendre.

 

1/ De quoi s’agit-il d’abord ?

Du changement d’alliance opéré lentement par la Syrie, sur un modèle moins flamboyant que la Libye, pour la simple raison que le voisinage est plus compliqué et les ressources pétrolières moins abondantes. La lenteur permet donc des contre-manœuvres. Mais pas forcément celles que l’on croit.

 

2/ Donc, depuis quelques mois, la Syrie se rapproche peu à peu d’Israël, grâce à l’intermédiaire turc. Or, personne ne l’a remarqué, ce rapprochement va de pair avec le rétablissement de la situation en Irak. Je ne veux pas dire qu’un des événements est la cause de l’autre, seulement signaler leur coïncidence. Il y a probablement une cause commune, qui est le lent rapprochement entre l’Amérique et l’Iran.

L’Iran que Washington ne veut plus attaquer, l’Iran qui peu à peu circonvient son président Ahmadinejad, l’Iran qui depuis quelques mois est moins présenté par la presse internationale comme le grand proliférateur : cette dernière tendance va d’ailleurs de pair avec les deux événements plus haut. Comme s’il y avait un marché : on vous laisse arriver au seuil nucléaire, mais vous ramenez le calme en Irak et vous incitez la Syrie à négocier au Proche-Orient.

 

3/ En fait, la Syrie a précédé ce mouvement depuis maintenant pas mal de temps (voir ici). Et en fait, le dindon de la farce semble être le Hezbollah (voir l’article de J.-L. Samaan dans le dernier DSI d’octobre). Car le Hezbollah ne serait plus l’agent principal de Téhéran et serait devenu un mouvement simplement libanais, et non plus l’aile marchante du chiisme révolutionnaire.

D’ailleurs, c’est l’irakisation du chiisme qui semble mettre un terme à ces illusions de chiisme révolutionnaire, d’un khomeynisme universel. Au Proche et au Moyen-Orient, le chiisme ne serait plus qu’un déterminant politique parmi d’autres, alors qu’il était jusqu’à présent le seul ferment identitaire. Ce serait la grande évolution en cours. Ceci explique les dissensions syro-hezbolliennes (voir article du Fig du 25 octobre, impossible de trouver le bon lien..., site mal fichu, avez-vous remarqué?).

 

4/ Mais alors, le raid américain d’hier ?

Je ne crois pas à l’avertissement envers la Syrie qui justement rentrait dans le rang : ce serait une manœuvre à contre courant qui ne pourrait que renforcer les plus opposés, dans le régime syrien, à l’évolution en cours.

 

5/ Eh ! bien, de même que Téhéran ne peut se résumer à Ahmadinejad, Washington est complexe, pluriel. Or, il semble que l’ordre de l’assaut ait été donné depuis Washington. Pourquoi ?

51/ pour des raisons politiques internes : encourager Mc Cain avant l’élection, voire bloquer les évolutions en cours afin de soutenir, par idéologie, la thèse de la guerre contre la terreur. Peu convainquant, il faut bien le dire.

52/ par une manipulation : les opposants syriens à l’évolution en cours, (soit alaouites forcenés qui craignent de perdre le pouvoir, soit membres du Hezbollah ayant encore de l’influence à Damas) donnent un vrai tuyau aux forces américaines, en étant sûrs de la réaction de vive force que ne manquera pas de donner l’oncle Sam. Cela bloque les évolutions en cours, juste avant l’élection d’Obama qui ne conservera pas la neutralité bushienne actuelle mais encouragera, au contraire, le règlement syro-israélien. Si la tension s’accroît avec les Américains, Obama ne peut lâcher la fermeté en Irak, alors même qu’il veut réduire les troupes. Et par ricochet, les négociations avec Israël végètent, d’autant plus que T. Lipni est obligée de demander des législatives anticipées. Scénario plus plausible.

 

Ce ne sont bien sûr qu’hypothèses. Mais la Syrie, plus que le Liban, est aujourd’hui le pays proche-oriental où les évolutions paraissent les plus violentes, sous l’apparence d’un calme de surface.

 

Olivier Kempf

Publié dans Proche-Orient

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
T
Il manque l'hypothèse la plus probable de toutes: les Amricains avait un "travail à faire" en Syrie (élimination de terroristes/sanctuaire) et comme dans le cas pakistanais, ils ne pouvaient compter que sur eux-mêmes, au risque de créer des tensions, risque qu'ils sont visiblement prêt à prendre, et c'est là le début d'une nouvelle interrogation: sont-ils tellement confiants d'avoir l'avantage ou bien est-ce une stratégie aveugle des conséquences prises pour d'autres raisons?
Répondre