Missiles à Kaliningrad

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Ainsi, pour accueillir le nouveau président, les dirigeants russes ont remis le couvert (voir ici). Il faut bien convenir que cela manque d’élégance (en général, au temps de la guerre froide, les Soviétiques attendaient la déclaration d’investiture avant de se remettre au travail).

Donc, la Russie va déployer des missiles Iskander (portée 500 Km) à Kaliningrad.

C’était prévisible. Pour plusieurs raisons.

 

1/ Une raison géo-politique : Kaliningrad est le point d’appui de la Russie en Europe du Nord, l’endroit qui lui permet de conserver une influence dans ses confins, tout comme la Crimée est le point d’appui dans l’Europe du sud. A chaque fois, il y a une dimension de transit énergétique et de contrôle maritime (mer Baltique dans un  cas, Mer Noire dans l’autre). Je m’en suis suffisamment expliqué pour que le lecteur de ce blog ne soit pas très surpris.

 

2/ Une raison conjoncturelle : la crise économique fragilise actuellement tous les pays de l’UE qui ne sont pas dans la zone Euro - et notamment, les pays Baltes. Ces difficultés économiques vont freiner toutes les vitupérations de ces pays, qui ont d’autres priorités.

 

3/ Une raison tactique : il s’agit du bouclier anti-missile (BAM). Ce projet bilatéral a été signé par les Tchèques et par les Polonais, ainsi qu’on l’a remarqué. Officiellement pour apporter une plus grande sécurité. L’objet des Russes vise à montrer que ce BAM augmente en fait l’insécurité (voir mon article sur l’Otan et la Géorgie, dans le dernier DN&SC), et notamment pour les pays concernés.

 

4/ Une raison politicienne : les élections tchèques ont amené au pouvoir une nouvelle majorité. Celle-ci se pose déjà la question de signer le traité de Lisbonne, ce qui était hors de question il y a deux mois. Peut-être les tchèques vont-ils aussi remettre en question l’accord sur les radars, qui est LE point du BAM qui embête vraiment les Russes (voir mon article dans DN&SC de novembre 2007). D’ailleurs, le plus important dans l’annonce d’hier est peut-être l’annonce du brouillage « par radioélectronique » de ce radar. Les missiles en Pologne n’inquiètent pas vraiment. Même s’il est très ironique, vu du Kremlin, de dire qu’on va cibler des sites polonais. Pour Moscou, il y a peut-être des ouvertures à Prague (voir mon billet ici).

 

5/ La raison la plus importante est, forcément, politique. D’ailleurs, le PM polonais, Donald Tusk, le dit : c’est « un  nouvel acte politique, et non pas militaire, sans grand intérêt ». Cela a au contraire un grand intérêt, dans une logique clausewitzienne. Celle de l’affrontement de puissances. Après avoir gagné dans le Caucase, le Kremlin pousse ses pions dans les autres dossiers européens : assuré d’une alliance objective avec les Européens, il veut mettre un terme à ce BAM qui fait partie des points les plus problématiques (avec le traité FCE et le statut du Kossovo). Mais alors que ces points formaient un tout l’an dernier, on voit aujourd’hui clairement apparaître l’ordre russe des priorités :

-         l’étranger proche (même si la notion tombe en déshérence intellectuelle) : Caucase et ukraine, et au-delà, l'instrumentalisation des "minorités russes"

-         le bouclier antimissile

Le traité FCE et le Kossovo passent au second plan. Cela trace des perspectives  de négociation pour la nouvelle équipe du président Obama. Cela devrait influencer la réunion de l’Otan de décembre.

 

O Kempf

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