Démocratie contre autoritarisme
1/ On observe depuis quelques mois une nouvelle musique idéologique, qui prétend avoir découvert le nouveau clivage de ce XXI° siècle : il s’agirait des démocraties qui s’opposeraient aux autoritarismes. La démarche la plus aboutie vient, comme on pouvait s’y attendre, de Kagan. On distingue donc là un fonds néo-conservateur qui serait le recyclage de ce courant de pensée.
2/Or, il n’est que la démarque d’un vieux clivage, autrefois bien plus puissant puisqu’il avait animé toute la guerre froide : l’opposition entre démocratie et totalitarisme.
Souvenez-vous : c’était sur cette articulation idéologique (« le monde libre » contre les Soviets) que s’était bâtie la victoire idéologique de l’ouest.
3/ Mais c’est peut-être pour cela que le nouveau est, pour l’instant, si peu convainquant. Il ne réussit à rénover ni l’alliance atlantique, ni sa version fantasmée et inspirée des néo-cons, à savoir la grande alliance des démocraties (OTAN, ANZUS, Japon, Corée du sud, Argentine, ...) contre .... le reste du monde ? ou contre les seules « autoritarismes » ? Cette grande alliance avait été prônée par G. W. Bush lors du sommet de Riga, en 2007, avec le piètre succès que l’on sait.
C’est pourquoi il est curieux de voir la notion persister, au fil des médias.
4/ Car bien sûr, la difficulté tient au critère. Sans parler de ce qu’est une démocratie (puisqu’il faut bien distinguer la vision fantasmée des néo-cons de la perception pluraliste des Européens), quel critère adopter pour déterminer ce qui est « autoritaire » voire tyrannique, et ce qui ne l’est pas ? Problème d’autant plus délicat qu’en ces temps de mondialisation, l’Occident est le premier à faire des affaires avec tout un tas de régimes autoritaires (de la Tunisie à la Chine).
5/ Ce n’est donc pas la viabilité conceptuelle de ce clivage qui intéresse, mais le fait qu’on l’aperçoive encore régulièrement dans les médias. J’y vois le signe d’une tentative un peu désespérée de maintenir l’influence intellectuelle du modèle occidental – influence délaissée pour des raisons démographiques, et économiques.
J’y vois le signe d’une conception du modèle occidental qui daterait du siècle passé, sans apercevoir les évolutions à l’œuvre en Europe, mais aussi aux Etats-Unis.
J’y vois la faiblesse de cet Occident devant le nouveau modèle qui semble apparaître, formulé dans les années 1980 par M. Lee, premier ministre de Singapour, qui défendait une voie asiatique d’économie de marché, et qui s’accommodait fort bien de l’absence de démocratie : ce modèle semble triompher dans les faits, et devient le modèle politique d’une grande partie de la planète.
6/ Il y a donc une petite lueur de vérité, dans la promotion de ce clivage : elle témoigne d’une inquiétude latente, du constat d’un déclin, d’une volonté un peu vaine de vouloir contrer le destin en utilisant de vieilles recettes.
Car il est probable que l’Occident a encore beaucoup de choses à dire. Mais qu’il n’a pas trouver les mots pour le dire au monde, en ce début de XXI° siècle.
La création d’un nouveau langage ira de pair avec les nouveaux concepts, seule façon de revivifier ce modèle occidental qui demeure, j’en suis persuadé, pertinent et universel. Sinon, on aura un modèle politique « made in China » : pas cher, mais de mauvaise qualité.
Olivier Kempf