Il n’y a pas de dissuasion tactique
Dans le dernier DSI, je lis l’excellent article de Joseph Henrotin et Philippe Langloit sur les sous-marins, et tombe sur cette expression : « dissuasion tactique ». Je suis resté interdit devant ces mots.
1/ La dissuasion peut-elle être tactique ?
Je me reporte donc à mon TTA 106 de recueil des termes de mission, et y trouve cette définition :
« Dissuasion
Fait de persuader un agresseur potentiel que les conséquences d'une action coercitive ou d'un conflit armé l'emporteraient sur les gains escomptés. Cela nécessite le maintien d'une puissance militaire et d'une stratégie crédibles reposant sur la volonté politique d'agir. [EMA]
Mode de stratégie ayant pour fin de prévenir, en la décourageant, toute agression constituant une menace directe contre le territoire ou les intérêts vitaux d'une puissance. »
Tout d’abord, il n’y a pas de verbe conjugué « dissuader » : cela signifie que la dissuasion ne peut être considérée comme une mission (à la différence de défendre, interdire, recueillir, attaquer, reconnaître, appuyer, soutenir, etc. qui sont des termes de mission classiques). Surtout, on lit bien que la dissuasion se trouve à la charnière entre le politique et le militaire, et qu’elle est au minimum stratégique. Je ne vais pas recommencer la lecture clausewitzienne de la dissuasion, le grand Raymond Aron s’en est brillamment chargé avant moi.
Il reste que très logiquement, si elle est au minimum stratégique, elle ne peut descendre aux niveaux inférieurs : opératif (et non opérationnel, dans une mauvaise traduction de l’américain, chers Joseph et Philippe) et encore moins tactique.
2/ Mais alors, quelle « mission » peuvent remplir ces sous-marins ? j’ai donc parcouru le même TTA 106 (certes terrien, et donc pas forcément adapté à des missions marines : peut-être un lecteur marin pourra nous donner des compléments spécialisés), et vous propose les deux termes de mission suivants, avec une nette préférence pour le premier :
« Fixer
1) Mission visant à empêcher l'ennemi de déplacer une partie de ses forces à partir d'un endroit donné et/ou pendant une période déterminée en le retenant ou en l'encerclant pour qu'il ne puisse se replier et mener des opérations ailleurs.
2) Mettre en place des obstacles valorisés par des feux planifiés pour ralentir un attaquant dans les limites d'une zone déterminée, normalement la zone d'engagement »
« Canaliser
Tâche tactique visant à restreindre les opérations dans une zone étroite par l'utilisation combinée d'obstacles, de feux et/ou de manœuvres ou par la mise en place d'unités ».
Les sous-marins ne peuvent-ils pas assurer ces missions ?
Olivier Kempf