60ème anniversaire d'Israël
J'avoue avoir beaucoup de réticences à discourir sur le Proche-Orient et le conflit israélo-palestinien.
Et pourtant, je m'y risque aujourd'hui, à l'occasion de la célébration du soixantième anniversaire d'Israël.
Risque, car le sujet est extrêmement passionnel.
Mais risque assumé, pour deux raisons :
- une, de fond, qui tient au regard que doit avoir le géopolitologue, dont le rôle consiste justement à se dégager de la gangue des émotions ;
- une, circonstantielle, qui tient à la confusion régionale que ce conflit emporte, et qui vient, au choix, écraser, polluer, se superposer, affecter d'autres situations géopolitiques qui méritent , par ailleurs, une analyse et des solutions particulières. Confusion régionale plus ou moins prononcée selon les lieux : extrêmement vive au Proche-Orient (Syrie Jordanie Liban Egypte), vive dans une partie du Moyen Orient (péninsule arabique, Irak), sérieuse un peu plus loin (Maghreb, Iran, voire Asie Centrale) importante en Europe et en Amérique (du Nord,bien sûr, mais aussi dans certains Etats du sud). Il faut donc, pour comprendre l'environnement du Proche-Orient, parler du conflit israélo-palestinien.
Pourquoi cette passion, et cette extrémité dans les passions ?
Parce que le conflit articule trois déterminants majeurs de l'analyse géopolitique, je veux parler par importance croissante de la langue, de la religion et de la représentation identitaire.
La langue est moins un problème ici qu'ailleurs. Il y a des langues arabes qui fondent un "monde arabe". Le Palestinien parle arabe, comme d'autres. Remarquez qu'Israël, dès le départ, a choisi de ressusciter une langue hébraïque qui avait disparu, afin justement de créer l'identité de l'Etat naissant. Mais on n'est pas ici en Belgique, par exemple, et la langue est finalement une difficulté mineure, par rapport au reste.
La religion est un facteur qui n'en était pas un au départ. Mais les juifs orthodoxes ont gagné une infuence politique croissante (mettons depuis 1967) tandis qu' Oussama Ben Laden a réussi à imposer cette polarisation islamique à une partie palestinienne qui était au départ totalement laïque. Cette détermination est aujourd'hui très importante.
La représentation identitaire, enfin, la plus forte. La plus forte car elle oppose deux légitimités victimaires, tout aussi valides et convaincantes l'une que l'autre. Du côté d'Israël, le drame de la Shoah est devenu un moment fondateur, même si ce fut tardivement (en fait, à partir du procès Eichman, cf interview de Tom Segev dans la version papier du Figaro du 7 mai [entretien pas en ligne sur le site, désolé]). Du côté palestinien, l'enfermement de Gaza permet l'affichage d'un processus victimaire qui veut vouloir concurrencer l'holocauste.
La représentation identitaire, aujourd'hui, passe par la présence médiatique ; de ce point de vue, une victime contemporaine est plus importante qu'une victime du passé. L'avantage va ici à la Palestine.
Deux constats :
- l'incroyable fermeté israélienne envers les territoires occupés va de pair avec une société qui est une démocratie ;
- l'incroyable résistance palestinienne va de pair avec une Autorité dont chacun s'accorde à dire la corruption.

Dernière observation du géopolitologue : ce conflit, malgré toute sa virulence, revêt un caractère extrêmement classique dans la mesure où il s'agit d'une lutte pour la domination de territoire. Il est même, à la base, un conflit d'une géopolitique primaire, même si la question de l'identité le modernise radicalement.
La presse nous dit que nous ne sommes pas loin du dénouement :
- soit les deux faibles (MM. Olmert et Abbas) bâtissent un compromis, que tout le monde connait : Jérusalem capitale des deux Etats, en échange de l'abandon du droit au retour ;
- soit c'est l'échec, malgré l'élection d'un nouveau président américain, et l'Autorité palestinienne n'a plus aucune légitimité politique, et son évanouissement force Israël à choisir un Etat binational, ce qui le condamne très probablement.
Je reste prudent devant cette alternative : cela fait si longtemps que les protagonsites pratiquent la politique du bord du précipice, qu'ils sont capables d'aller encore un peu plus loin, un peu plus près du bord. Encore un moment, M. le bourreau.....