La confiance à l’envers
La crise financière est une crise de confiance.
1/ A l’origine de la monnaie papier, les élites y croyaient mais pas le peuple. Il a fallu un siècle pour que la monnaie fiduciaire (on y fait foi) s’enracine durablement.
Aujourd’hui, les élites (financières) paniquent, quand l’homme de la rue reste stoïque et se rabat sur son livret A.
On compare la crise à l’expérience de 1929 : c’est plutôt à Laws qu’il faut penser, il y a presque trois siècles…..
2/ Or, la confiance est, pour la monnaie, une question existentielle. Pas de monnaie sans confiance. La monnaie est fondamentalement un instrument de crédit. Pour avoir du crédit, il faut être crédible, que l’autre puisse y croire, qu’il soit crédule. L’échange est une relation entre deux individus, fondée non sur la créance que l’autre est honnête, mais sur la créance qu’il partage le même système de valeurs que vous. Et ici, le mot valeur revêt son double sens éthique et financier.
3/ Que le doute s’installe au sommet de l’échafaudage, et c’est tout le château de cartes qui risque de s’affaisser. Car pour parler simple, il ne s’agit pas seulement de défiance envers des subprimes, des junks bonds et autres titrisations ; il s’agit de perte de confiance entre établissements de crédits, puis envers les banques centrales, et au-delà des garanties du gouvernement. Ce ne sont plus des « modèles » mathématiques qui sont mis en défaut, ce ne sont plus seulement des actions, mais dorénavant des obligations, et bientôt, peut-être, des bons du Trésor (la signature des Etats), avant d’atteindre la quasi-monnaie (souvenez vous des agrégats de M1 à M4) ….
4/ La vraie question est donc « qui croire ? ».
« Les poissons pourrissent par la tête », entend-on à New-York en ce moment. Il ne s’agit pas d’une expression américaine, mais de la citation, par un peuple protestant qui connaît ses écritures saintes, du Nouveau Testament. Ce qui sous-entend, en fait, que le veau d’or est en train de vaciller.
Non qu’il s’agisse pour moi d’apporter une lecture eschatologique : seulement de remarquer que derrière le crédit, derrière la confiance, il y a une question de foi (avec un f minuscule) : Fait-on foi au système ?
En ce moment, la réponse générale est « non ».
5/ Cela rend les événements extrêmement inquiétants. On peut lire avec intérêt Michel Grasset. On peut surtout remarquer que cette crise intervient dans un monde fragilisé, où l’émergence de l’Asie n’est pas aboutie, et où la prédominance américaine est partout remise en cause. La crise de foi n’est que le couronnement d’une entreprise générale de défiance : ainsi, le 11 septembre 2001 n’a pas été la date de l’émergence de l’islamisme, mais de la remise en question de l’Amérique.
Un temps de troubles s’ouvre donc à nos yeux.
Olivier Kempf