Arrestation de Karadjic : la grande habileté serbe

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Ainsi donc, Radovan Karadjic a été arrêté hier soir vers 23h. Voir notamment les articles du Courrier des Balkans (lien à droite), dont celui-ci.


Je dois dire que je n'aurais pas reconnu l'homme à la barbe blanche que l'on voit ci-contre.

Mais visiblement, tout le monde savait (voir ici ce témoignage britannique).




Une fois qu'on a dit ça, qu'ajouter ?







1/ Que le nouveau gouvernement de M. Tadic a été installé il y a moins de quinze jours, et que le chef de la police secrète serbe est arrivé il y a quatre jours. Bref, le gouvernement précédent savait, et avait choisi la décision politique de ne pas lâcher le leader serbe. Le nouveau gouvernement arrive, et prend la décision politique d'arrêter R. Karadjic.

S'agissant de Ratko Mladic, je ne sais s'il sera livré. Peut-être Belgrade le gardera-t-il en réserve (Mladic est bien plus populaire que Karadjic). Aux cartes, il ne faut pas abattre toutes ses cartes d'un coup. Et vous le savez, la géopolitique est une affaire de cartes (;-)

2/ Est-ce une surprise ? non.
L'UE avait tout fait avant les élections pour favoriser le camp pro-européen, jusqu'à ouvrir des négociations sur l'accord d'association et de stabilisation le 29 avril, mais non valable "avant plusieurs mois" (voir ici). En clair, c'était le résultat d'une négociation paralèlle. Cela avait paru alors un pari osé. Mais réussi, puisque les pro-européens avaient gagné les législatives à la surprise générale (voir mon
 billet). La deuxième surprise avait été l'alliance avec le SPS qui a/ avait obtenu 8% des suffrages b/ avait noué un accord avec le pari de Tadic. Rappelons que le SPS était le parti de Milosevic.
L'Europe aurait donc tout lieu de se satisfaire de cette décision.

3/ Pourtant, il ne faut pas s'y tromper : le renvoi d'ascenseur de Tadic ne signifie pas un abandon de sa position sur le Kossovo. En clair, il va démontrer que l'on peut être pro-européen et anti indépendantiste du Kossovo (comme l'Espagne, la Grèce, etc). Cela va permettre de conserver les excellentes relations avec la Russie. Il ne faut pas attendre d'évolutions nettes sur ce dossier, même si Belgrade reste très prudente avec le "parlement du Nord Kossovo" qui vient d'être autoproclamé par les Serbes au nord de l'Ibar. Les Serbes de Bosnie vont être exaspérés, mais il est loin d'être dit que cela aura des conséquences politiques à court terme. La Republika Srpska est intimement liée au sort qui attend le Kossovo.

4/ La Serbie invente donc une nouvelle voie balkanique, très habile : pro-européenne, pro-russe, et sans transiger sur le fond au Kossovo. Or, je ne suis pas sûr que c'est ce qu'espéraient les plus ardents des Européens. Ils auraient voulu plus, notamment du côté de Pristina. C'est méconnaître la puissance du lien affectif liant la Serbie au Kossovo (peu importe que ce lien soit fondé ou non : l'important, pour l'analyste, est qu'il produit des effets aujourd'hui).

On n'a pas fini de parler de tout ça.

Olivier Kempf

Publié dans Confins balkaniques

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C
Tout le monde (les autorités, le TPIY, les gouvernements européens…) connaissait son adresse en ville. <br /> Mais comme me le disait un jour un des responsables de l'unité de recherche des criminels de guerre du TPIY : "La justice s'arrête là où commence la politique"…
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<br /> Oui. C'est an autre champ de réflexion. Celui de la "raison d'Etat". Forcément 'violente'.<br /> <br /> <br />