Merkel et le prochain nouveau concept stratégique de l'OTan

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1/ Selon une dépêche AFP du 10 novembre, le chancelier allemand A. Merkel a appelé l’OTAN à élaborer un nouveau concept stratégique. Les deux priorités sont données au désarmement nucléaire et à la reconstruction civile. L’OTAN doit se porter « garant de la sécurité collective » dans un sens large « et pas seulement militaire ». « Il n’y a pas de sécurité sans reconstruction et pas de reconstruction sans sécurité ». Elle a prôné « l’envoi d’un signal » à Moscou lors du sommet d’avril et elle a finalement ajouté la nécessité d’une meilleure coordination entre la politique de sécurité de l’Otan et celle de l’UE.

 

2/ Il faut tenir compte de l’environnement de ce discours : il s’agit à la fois de préparer le sommet de Strasbourg-Kehl (n’oublions pas qu’originellement, c’est à l’Allemagne d’organiser le sommet et que c’est elle qui a offert à la France de le coorganiser) mais aussi de préparer les échéances électorales, y compris en matière de défense (voir le blog rdo et le billet ici).

 

3/ Dernier point, l’élection de M. Obama a permis de clarifier les choses : il s’agit maintenant d’influencer le prochain gouvernement américain qui se met en place, et de lui fournir des idées à l’heure où il élabore son plan d’action.

 

4/ Il était attendu que le sommet de 2009 donne mandat à la préparation pour un nouveau concept stratégique, l’actuel ayant été écrit en 1999 et ne tenant pas compte du terrorisme ni de la mondialisation, mais étant encore très influencé par les idées rumsfeldiennes de « transformation ». Il paraît aujourd’hui très désuet, et là ne réside pas l’originalité du discours de Mme Merkel.

 

5/ Car il évoque une « sécurité collective » : je m’attache peut-être trop aux mots, mais traditionnellement, en RI, cette notion est attachée à l’ONU, quand l’OTAN est synonyme de « défense collective ». Le discours de Berlin brille par cet oubli de la défense collective, alors que l’affaire géorgienne et le bouclier anti-missile ont rappelé cet été les fragilités de l’article 5 (voir mon article dans le dernier DN&SC qui l’évoque précisément).

 

6/ Il faut donc comprendre les deux priorités pour ce qu’elles sont : des réponses aux problèmes de l’heure. Dans un cas, il s’agit justement du bouclier anti-missile : en prônant le désarmement nucléaire (alors qu’on constate chaque jour que la prolifération, dans la périphérie européenne, n’est pas une question majeure), il ne s’agit pas de s’adresser à l’Iran, mais à la Russie : le BAM est peut-être allé trop loin et en évoquant le désarmement nucléaire, on ouvre une voie de négociation avec les Russes. Or, la stratégie pro-russe de l’Allemagne n’a aucune raison de changer par les temps qui courent.

De même, la notion de reconstruction civile réagit à l’affaire afghane, et soutient la voie allemande de développement, sur le modèle de la PRT de Kunduz, au nord du pays : en clair, l’action de combat n’est pas la seule solution, et l’Allemagne ne changera pas sa position en ce qui concerne son engagement en Afghanistan.

 

7/ Il y a une limite évidente à cette ligne politique : c’est qu’elle ouvre la voie à une concurrence inversée à la PESD : l’OTAN constatant que le tout militaire ne sert pas à tout résoudre, elle envie les capacités civilo-militaires de l’UE. Ce discours satisfait donc tous les atlantistes des deux côtés de l’Atlantique, et surtout les radicaux otaniens nombreux en Allemagne. Quitte à porter sans le dire un coup de canif à l’Europe de la défense, envers laquelle on ne demande qu’une meilleure coordination : on a connu des chanceliers plus euro-enthousiastes.... Mais il faut dire que l’unilatéralisme de N. Sarkozy agace la chancellerie.

 

O. Kempf

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V
Nous n' avons plus d' ennemi. L' OTAN devrait etre dissoute.
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O
<br /> C'est un point de vue.<br /> La question est : faut-il un ennemi pour justifier l'OTAN?<br /> Faut-il un ennemi pour justifier une organisation militaire ?<br /> Faut-il un ennemi pour exister (vision de Carl Schmitt) ?<br /> <br /> Je n'ai pas la réponse à ces questions. Le simple fait de les poser permet put-être d'enrichir la réflexion, cher lecteur laconique.<br /> <br /> <br />