Identité, encore
Je reviens sur cette question de l’identité. (voir ici)
Si on prend pour grille d’analyse la séparation entre individuel et collectif, alors l’identité (individuelle) s’oppose à la citoyenneté (collective). Tout comme la croyance (liberté de penser et de croyance et de culte), individuelle, s’oppose à une conception laïque de la vie collective.
Selon cette grille d’analyse, il faudrait refuser des identités collectives, l’identité étant laissée à la part privée de la personne. Pourtant, on observe leur existence, dans tous les pays, y compris les plus anciens : et l’identité collective ne peut se réduire à la citoyenneté.
Cela provoque donc l’écriture de « récits représentatifs » qui narrent cette identité. Observez le débat actuel sur la France commémorative et le discours mémoriel, que certains trouvent trop politisé quand d’autres l’estiment nécessaire : ceux-là ne précisent pas si le discours mémoriel doit prendre en compte une collectivité considérée comme unique, ou l’assemblage de communautés particulières qui s’intégreraient, sans qu’on sache vraiment comment, dans une identité collective.
C’est pourquoi, même si le mot à choqué, il n’est pas surprenant (il s’agit ici d’un constat, non d’un soutien à cette politique) qu’on ait créé un ministère « de l’identité nationale » : c’est devenu une question extrêmement politique. C’est surtout devenu extrêmement problématique, non à cause de l’immigration, mais à cause du discours identitaire.
Autre problème conjoint, celui du temps de cette identité : s’agissant de la France, le pays existait avant l’identité, dont le récit a été écrit (réécrit) par la Révolution. En matière de géopolitique, la vraie question est celle de l’écriture de cette identité collective (ou de son récit représentatif) comme légitimation d’une nation et donc d’un Etat. Dans un cas, la nation préexiste au récit quand dans l’autre, le récit justifie la nation.
On comprend que si une vieille nation comme la France connaît aujourd’hui des problèmes avec son identité collective, combien plus des jeunes nations, nées après l’indépendance, rencontrent des difficultés accrues.
Olivier Kempf