Clausewitz (0)
Relire Clausewitz.
1/ En effet, ce blog commencé sans objectif particulier, sinon de jeter au fil de l'écran les idées qui passent par la tête, provoque le besoin de revenir aux sources.
Tout d'abord parce que je suis "clausewitzien", ainsi qu'on me l'a fait remarquer ici-même.
Surtout parce que la lecture initiale date, et que les billets écrits sur ce blog ne cessent de tourner autour des rapports de la politique et de la guerre. Il est donc temps de revenir au texte, d'autant que certains points peuvent être controversés : le débat qui a eu lieu ici sur la notion de centre de gravité en est l'exemple le plus récent.
C. Gray assure que Clausewitz a tout dit de l'essence de la guerre, même si on peut encore disserter sur sa grammaire.
Pourquoi pas ? le temps a passé, d'autres lectures, d'autres expériences ont recouvert la première découverte il y a plus de vingt ans. La relecture s'avère utile.
2/ Je forme donc le projet de relire "De la guerre" de Carl von C. L'entreprise prendra du temps car je veux écrire ici, au fil de la lecture, les commentaires qu'occasionnera le baron. En clair, noter électroniquement les grabouillages et les annotations dont je couvre les marges des livres importants.
3/ Relire, cela impose d'expliquer la première lecture.
Ce fut d'abord mon père qui m'en parla, à la fin des années 1970, quand je commençai à m'intéresser aux choses de l'esprit : homme éduqué par l'expérience des deux guerres mondiales, et donc par l'invention de la guerre totale (il avait lu Foch, De Gaulle, Spengler, Toynbee,...), la lecture"politique" de la guerre a dû, certainement, le marquer. C'est donc avec gourmandise qu'il citait l'aphorisme principal de Clausewitz.
L'époque était encore au fait nucléaire. C'était également le temps de la parution, en 1976, de "Penser la guerre" de Raymond Aron, qui a fait redécouvrir Carl von C. aux intellectuels français.
Quelques années plus tard, en 1985, je lisais donc "De la guerre". Honnêtement, ce ne fut pas un éblouissement. Langue touffue, longueurs, complication. Mais, n'est-ce pas, "je l'ai lu" : d'une certaine façon, cette affirmation me suffisait.
Et puis, la conscience tranquille, je l'oubliai. Vanité du jeune âge.
Je le retrouvai quelques années plus tard lorsque mes activités me conduisirent à participer à une session MIDEX à Oberammergau, comme instructeur. MIDEX était le cours de planification opérationnelle de l'OTAN (je crois que cela n'existe plus). On était en 2002, et tout le monde s'interrogeait sur Al Qaida. Du coup, tout un tas d'otaniens prétendaient qu'il y avait DES centres de gravité, cherchant par là à atteindre la structure réticulaire d'Al Qaida. Je revins à CLausewitz et commis un article, publié par Joseph Henrotin dans Stratégique (n° 85) quelque mois plus tard (voir ici). J'y montrai que le CDG était, forcément, unique.
C'est au tournant des années 2000 que je m'intéressai à la géopolitique. Et les lectures, les réflexions, l'évolution de la pensée m'amènent, logiquement, à reconnaître toute la validité de l'intuition première de Clausewitz, sur le rapport existentiel entre la politique et la guerre. J'en viens donc à poser qu'on ne peut penser la géopolitique sans penser également la guerre. D'une certaine façon, la géopolitique est ce qui lie la politique à la guerre, et que l'on désigne, de nos jours et maladroitement, par "politico-militaire".
Penser la politique impose, par équilibre, de penser la guerre. Donc de revenir à Clausewitz.
4/ Enfin, les éditions Tempus viennent de sortir en poche (ici) l'édition de 1999 de la nouvelle traduction faite par Laurent Murawiec.
Celui-ci est devenu depuis le parangon des néo-conservateurs français, mais il a le mérite de bien parler le français. Sa traduction me semble de ce fait beaucoup plus moderne et agréable à lire que celle dans laquelle j'avais découvert (sans plaisir) notre auteur.
Une édition mieux écrite, certes pas intégrale mais débarrassée des éléments anecdotiques (il reste quand même 400 Pages), en format de poche donc facilement à portée de main, ceci explique le choix de cette édition.
De toute façon, il s'agit d'une lecture personnelle.
5/ Ainsi, je suivrai le découpage de ce texte, numérotant mes billets par le numéro du chapitre et, quand il y a lieu, par les numéros de paragraphes lorsqu'ils existent, par les numéros de page autrement, de façon que ceux que cela intéresse puissent se reporter au texte.
Et on verra...
Olivier Kempf