Géorgie : finalement, la guerre

Publié le

Ainsi donc, cette nuit, la Géorgie a "ouvert" les hostilités contre la province séparatiste d'Ossétie du sud. (voir ici, et ici)

Carte : Le Monde .fr












1/ Je dis "ouvert", car la crise couvait depuis de longs mois, et les accrochages se multipliaient. Cette ouverture est donc :
- à la fois la poursuite d'une ascension aux extrêmes (et notre lecture de Clausewitz prend soudainement un relief accentué)
- et le franchissement d'un seuil, à la fois psychologique et sémantique, celui qui fait passer de "conflit" à "guerre". Ce seuil est bien sûr un seuil militaire (les chars sont lancés, et ce n'est pas un hasard si la photo est diffusée) mais c'est en même temps un discours, car la guerre est un langage, ainsi que nous le voyions hier (ici). Au passage, je ne me souviens plus si CVC a évoqué ces notions de seuil, mais ce n'est pas le propos de ce billet.

Il n'est toutefois pas évident que la Géorgie vainque (cf. ici les forces en présence). Mais la guerre n'est pas une science exacte, n'est-ce pas .......


Photo : Reuters










2/ Cela étant, la chose était prévisible, comme je le signalais il y a un mois (voir ici). Cela correspond aux désirs russes de pousser Tbilissi à la faute, afin de l'empêcher d'obtenir l'ouverture de négociations avec l'OTAN. Il est évident que les alliés n'accueilleront pas une Géorgie en crise.
De ce point de vue, cette opération est une bonne chose pour Moscou, qui n'a plus qu'à se préoccuper (sur le dossier otanien) de Kiev. Toutefois, cela ne va pas sans risque à cause des risques de dérapages : vers le Caucase du nord (Ossétie du nord, Daghestan, Tchétchénie) ou vers l'Abkhazie et au-delà, Sotchi, la ville destinée à accueillir les JO d'hiver dans six ans.

3/ Une chose est toutefois surprenante, a priori, c'est que ce soit la Géorgie qui ait pris l'initiative. Il faut pour cela revenir à une hypothèse émise il y a un mois par Vincent Jauvert (ici) : en fait, les Géorgiens savaient depuis longtemps qu'ils n'obtiendraient rien du côté de l'OTAN d'ici la fin de l'année, et que leur adhésion attendrait des années. Prenant acte de cette situation, les durs auraient poussé à l'intervention, afin :
- de "reprendre les choses en main" pendant que le président Bush, leur principal soutien, était encore au pouvoir.
- de reprendre le contrôle d'une enclave qui s'enfonçait au coeur du pays (alors que l'Abkhazie est placée aux confins). La valeur "géopolitique" de l'Ossétie estplus grande que celle de l'Abkhazie, du simple point de vuie de la configuration du territoire.

4/ Indirectement, cela peut expliquer les évolutions récentes de la Turquie et son rapprochement avec l'Arménie (voir ici). On peu d'ailleurs noter en même temps un apaisement entre l'Arménie et l'Azerbaidjan. Il y aurait, si cette hypothèse se vérifiait, la constitution d'un axe Bakou - Erevan - Ankara, peut-être pour doubler l'oléoduc TBC par le sud et éviter ainsi la Géorgie en guerre.... A observer au cours des mois à venir.

5/ Du point de vue d'Ankara, cette déflagration géorgienne est une mauvaise nouvelle. En effet, elle renforce l'idée, fréquente en Europe, que le Caucase est une zone de danger et qu'il est décidément imprudent de vouloir intégrer dans l'UE tous ces pays. Mais si on refuse le Caucase, pourquoi ne pas refuser l'Asie mineure ?

Voici quelques remarques que le géopoliticien pouvait donner à chaud. On peut s'en étonner, dans la mesure où ususellement, on attend que les événements se décantent pour en tirer toutes les conclusions. Mais ici, "l'événement" était tellement attendu que le raisonnement est aisé.

Olivier Kempf
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
N
Le fait que la Russie soit entrée dans le conflit change considérablement le rapport de force, et envenime la situation ... à suivre avec beaucoup d'attention.
Répondre
Z
Et les chars russes en Georgie, c'etait prévue.La situation commence a prendre un tour franchement sinistre.
Répondre