Moyen-Orient : où est le centre de gravité ?

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Je lis aujourd'hui la chronique de Joschka Fischer dans le Figaro (texte daté du 2 mai, mais mis en ligne le 21, j'avoue ne pas suivre) : "Le nouveau Moyen-Orient ne sera pas celui de Bush".

La thèse est la suivante, et elle est séduisante.
 - Il y a opposition entre un 'ancien' Moyen Orient (Syrie, Egypte, Yémen, Tunisie, Algérie, Palestine du Hamas) alors qu'un 'nouveau' apparaît (Dubaï, EAU, Israël, Hezbollah et Hamas, voire Iran et Arabie Séoudite). Sachant que 'nouveau' ne veut pas dire  meilleur. L'ancien est marqué par des régimes nationalistes corrompus. Le nouveau n'est pas caractérisé, mais les exemples donnés m'incitent à proposer la position par rapport à l'occident, soit pro soit anti-occidental .
- Il note aussi le déplacement du centre de gravité de la région, autrefois positionné autour du conflit israélo-palestinien (il n'emploie pas le terme d'israélo-arabe'), vers un noeud créé par l'opposition entre Iran et Arabie. La guerre en Irak est le pont stratégique qui relie les deux. Et la Turquie est le lieu de l'opposition entre la modernisation et la radicalisation de l'islam.

Ce texte est extrêmement stimulant. Ce n'est pas la première fois que Fischer propose des choses de cet accabit, félicitons le donc.
Je note :
- la difficulté à qualifier le 'nouveau' Moyen Orient, pour lequel il ne trouve pas de caractérisation (en effet, il ne fait que donner des exemples de pays, sans leur donner de critères ; celui de la position par rapport à l'Occident permet d'unir Dubaï et le Hamas).
- s'il y a effectivement un 'basculement', qui dénote une vraie réflexion géopolitique, quelque chose me retient : c'est le fait d'unifier ce Moyen Orient, au motif qu'il serait issu de l'empire ottoman (L'ancien Moyen-Orient s'est construit sur les frontières et sur les identités politiques créées par les puissances européennes après la chute de l'Empire ottoman en 1918). Or, la Perse ne faisait pas partie de l'Empire ottoman, et il faut savoir duquel on parle : celui de 1820, de 1880, de 1918 ?
- Car il y a là une influence, celle de la vision américaine du "moyen-Orient". J Fischer y succombe. Cela s'inscrit, il est vrai, dans un mouvement qui précédait l'arrivée du gouvernement de M. Bush, à savoir le projet d'unité arabe : là aussi, on voyait une certaine unité macro-régionale. Les faits ont démontré que c'était illusoire.

Or, je préfère distinguer un Proche et un Moyen Orient, qui me paraissent mieux refléter la réalité, et surtout les configurations de proximité.
Dans le Proche Orient, je placerai tous les pays riverains de la Méditerranée orientale (Turquie, Syrie, Liban, Israel, Egypte) auxquels j'ajouterai la Jordanie pour relier le triangle frontalier d'Aqaba sur la mer Noir et le triangle Turquie-Syrie-Irak
Dans le Moyen Orient, je placerai Irak, péninsule arabique et Iran.
Bien sûr, comme toujours dans ce type de catégorisation, il y a des pays frontières, qui peuvent participer des deux systèmes.

L'avantage de ma répartition, c'est qu'on échappe au mythe de l'unité arabe et au mythe du grand moyen-Orient, et que les deux conflits (le long du Jourdain et le long du golfe persique) restent localisés. Bien sûr, ils interagissent, mais ils gardent leur autonomie.
Une telle grille d'analyse, si elle était popularisée, aurait de plus l'avantage d'empêcher la connexion que les radicaux de tout bord veulent effectuer.

D'un point de vue européen, cela procure aussi un critère d'action : autant le proche-Orient appartient naturellement au voisinage immédiat de l'UE, autant le moyen-Orient est plus éloigné, et n'ntéresse que pour d'autres raisons : approvisionnement en émergies fossiles, voire fait nucléaire

Olivier Kempf

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