La Finlande et le paysage sécuritaire en Europe
Au lendemain de la fête nationale finlandaise (Kippis !), revenir sur le cas finlandais est une bonne idée.
1/ Comme la Pologne, la Finlande ne porte pas son voisin russe dans son cœur. Toutefois, elle a été plus habile pour préserver (y compris par les armes) son indépendance, au moins formelle.
2/ Un débat plus ou moins discret a lieu en Finlande à propos d’un éventuel retour dans l’Otan. Les arguments en faveur tiennent à l’interopérabilité et à la simplicité, dans une Europe où tout le monde en serait : regardez les Français qui rejoignent l’organisation !
3/ Plusieurs arguments s’y opposent : la frontière finlandaise avec la Russie est, pour l’UE, la plus calme : on est loin des difficultés autour de Kaliningrad ou des raidissements dans le voisinage européen, qu’il s’agisse du Caucase ou de l’Ukraine. Pourquoi donc troubler ce calme qui convient à tout le monde ? de même, pourquoi rejoindre une Otan qui est engagée en Irak et en Afghanistan, pays bien loin des intérêts finlandais ? l’article 5 ne présente qu’une faible garantie, et comme elle n’a pas été nécessaire au cours de la guerre froide, quand il était le plus crédible, pourquoi le vouloir aujourd’hui où on en a moins besoin (car personne n’envisage que les Russes veuillent annexer Suomi) et alors que cet article a moins de crédit ?
4/ La présidente finlandaise est une socio-démocrate qui, par conviction, s’oppose à ce retour. Surtout, la crise géorgienne n’a pas démontré un grand intérêt de l’alliance, puisqu’en contrepartie, les Polonais ont signé un accord avec les Américains ce qui a provoqué la décision russe de déployer des missiles à Kaliningrad. Il est d’ailleurs symptomatique que la Finlande n’a pas rejoint le grand chœur balte de dénonciation de l’ours : signe d’un pragmatisme prudent qui correspond bien à ce pays calme.
5/ Dès lors, les atlantistes ne devraient pas convaincre leurs compatriotes. Et la FINlande restera au sein du Partenariat pour la paix, ce qui est bien suffisant. Surtout, son dispositif militaire demeure cohérent.
6/ Pour cinq millions d’habitants, Helsinki entretien une réserve opérationnelle de 350 000 hommes ! peu de cadres d’active (2500 officiers, 10 000 sous-officiers) suffisent à encadrer le tout. 1000 soldats sont engagés en opération extérieure. Et si certains chantent la nécessité d’une professionnalisation, ils sont nombreux ceux qui n’en voient pas l’utilité. Ainsi, ce sont des réservistes volontaires qui sont engagés à Abéché, dans le cadre de l’EUFOR Tchad (et qui resteront dans le cadre de la MINURCAT II en 2009). UE et ONU sont en effet les deux autres piliers de l’engagement militaire finlandais (après l’expérience réussie de la KFOR otanienne).
7/ Ainsi, même si la Finlande ne s’arc-boute plus sur la notion de neutralité (et son synonyme : la finlandisation), son engagement international demeure prudent et pragmatique, à la mesure des moyens du pays, à la mesure de ses ambitions.
Et par Mannerheim, un petit coup d’Aquavit ! Kippis !
Olivier Kempf