Morale et géopolitique

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Je suis assez surpris de ne pas avoir reçu de commentaires "outragés" en réaction à mes billets. En effet, je n'utilise pas beaucoup les mots "il faut" et "on doit" que l'on lit fréquemment ailleurs, notamment dans des éditoriaux "géopolitiques".
De même, je parle de la guerre en Géorgie sans un mot de compassion pour les morts.
En toute logique, cela devrait "choquer".
Et vous, lecteurs, ne paraissez pas choqués.

Cela mérite quelques mots, à propos du rapport entre la géopolitique et la morale.
Car la géopolitique paraît immorale, se désintéressant des "malheurs de la guerre" (voir à Nancy la superbe suite de gravures de Jacques Callot, et aussi ce site).


1/Disons que le refus de l'émotion, ou du moins la tentative de maîtriser cette émotion, n'est pas immorale en soi. Elle est la conséquence d'un parti, celui de privilégier la raison à la passion.
Tout l'inverse des communiquants qui veulent d'abord de l'émotion.

2/ "Mais la guerre, c'est mal, et vous ne la dénoncez pas"
Non, je ne la dénonce pas.
Car si je ne dis pas que "la guerre c'est mal", je ne dis pas non plus que "la guerre c'est bien".
En clair, je ne moralise pas la guerre. En l'espèce et sur ce point, je suis plus amoral qu'immoral.
Car je tiens simplement que "la guerre est".
Précisons : c'est un phénomène propre à la nature humaine.

3/ Facile ? jésuite ? machiavélique ? ultraréaliste ? cynique ?
Peut-être. Mais en faisant le départ entre la réaction du citoyen et l'analyse du géopolitologue, cela crédibilise ce dernier.
Peut-être y a-t-il là une illusion d'objectivité, notion que je dénonce par ailleurs.
Sans doute. Mais cela permet de construire un outil analytique qui, au vu de votre intérêt collectif, doit présenter des parcelles de vérité !

4/ On arrive alors à considérer ce blog : ce n'est pas un organe d'information (et donc, il ne veut pas concurrencer les journaux) et en même temps, ce n'est pas seulement "l'actualité vue par Olivier Kempf" qui ne présente pas beaucoup d'intérêt. Et heureusement (pour vous surtout, mais aussi pour moi), je ne "commente" pas toute l'actualité.
Revenons aux journaux : on dit qu'ils doivent "éclairer" l'information, la mettre en persepctive. Seule façon pour eux de préserver leur modèle économique, qui n'est plus seulement de présenter l'information (avec Internet et la TV, inutile), mais de la trier et la classer (donner une hiérarchie), et l'éclairer en expliquant les ressorts de tel événement.
Dans ce dernier cas, l'analyse géopolitique (la vraie, pas celle qui dit yaka fokon, comme je viens de lire ce matin) est pertinente. Et ce blog est complémentaire des journaux (que je lis tous les jours et, surtout, que j'achète : faites de même).
Vous voyez que je peux être prescripteur ! (;-)

En conclusion : la géopolitique n'est pas morale. Et ce blog complète les journaux.
Ceci doit expliquer que vous ne soyez pas choqués....

Olivier Kempf

Publié dans Géopolitique

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V
Je ne suis pas choqué mais je vais en choquer. La guerre est un outil. La notion de bien ou de mal ne s'y applique pas. Tout dépend du but recherché ; une lame est-elle bonne ou mauvaise ? Elle peut servir à tuer, mais aussi à préparer de la nourriture, ou à opérer une appendicite.
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S
Je change de sujet: j'ai répondu -sans le savoir alors- à votre appel d'offre sur la National Defense Strategy.....<br /> Cordialement
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O
<br /> Super : j'attends ça avec intérêt<br /> <br /> <br />
S
Cependant, si je partage votre point de vue par rapport à "l'émotionnel excessif" que l'on nous fait souffrir dans les médias traditionnels, je pense qu'il ne faut pas non plus s'empêcher de montrer sa tristesse face au malheur. En effet, là où l'émotion n'est que pure affectivité manipulable, la tristesse est aussi un moyen de prendre de la distance par rapport à une analyse que, si l'on y prend garde, pourrait devenir "froide" (ce qui n'est pas votre cas, on sent la passion dans vos propos). Car, et c'est l'un des écueils de ces "sciences" dites "humaines": elles laissent accroire que l'on peut distinguer les faits et les valeurs et, ultimement, que l'on peut objectiver la personne humaine.<br /> Je ne sais pas si la Géopolitique est essentiellement immorale: elle peut également choisir un objet d'analyse sur laquelle elle va faire reposer non seulement de l'affectif, mais aussi un intérêt lié à celui qui en énonce les règles. <br /> Quoiqu'il en soit, ainsi fait votre blog me convient car il ne manque pas d'explorer plusieurs pistes possibles. Surtout, il reste lucide par rapport à la notion d'objectivité dont vous parlez d'ailleurs.<br /> Cordialement<br /> Stéphane TAILLAT<br /> PS: vous remarquerez que je ne m'applique pas stricto sensu ce que je dis plus haut. Dans la rédaction de mes articles, je reste parfois trop pompeux et jargonnesque, ce qui me valut en son temps la réflexion d'être trop "académique" par Jean-Jacques CECILE.
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O
<br /> D'autant plus que la principale objection que l'on pourrait (devrait) me faire, c'est l'absence de révolte devant le révoltant.....<br /> Débat sur les sciences humaines : oui, je le reprendrai aussi à propos de la géopolitique (un jour). MAis d'accord avec vous, iln'y a rien de plus<br /> horripilant que les "spécialistes" qui cachent leur vacuité derrière le jargon invérifiable. Et malheureusement, c'est plus fréquent dans les sciences humaines.<br /> Parler clairement impose d'avoir des idées claires. Et donc, d'avoir des idées. La forme suppose le fond.<br /> <br /> <br />